Hypnose et Ostéopathie

Hypnose en gynécologie. Lorsque l'examen est difficile.

Hypnose et gynécologie
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Nombre de femmes redoutent le moment de l’examen gynécologique, où vont se mêler gêne, angoisse, malaise, souffrance, voire passé douloureux. Présentation de trois cas où l’utilisation de métaphores hypnotiques peut rassurer et apaiser ces patientes.

Dr Juliette HEINRICH.

En gynécologie, certaines patientes sont particulièrement douloureuses ou mal à l’aise lors de l’examen au spéculum ou de l’échographie intravaginale. Il s’agit d’une situation fréquente ; selon les études, 21 % à 64 % des femmes présenteraient des angoisses avant une consultation gynécologique (1). Cela peut être en lien avec des expériences traumatiques de violences sexuelles ou obstétricales. Certaines femmes peuvent également être gênées par la nudité ou avoir des douleurs pour des raisons mécaniques.

Pourtant, il est rare que les patientes verbalisent spontanément qu’elles ne sont pas à l’aise par rapport à l’examen. Il est donc primordial de poser la question de manière systématique et explicite, par exemple : « est-ce que vos examens gynécologiques précédents se sont bien passés ? Comment vous sentez-vous ? ». Il faut également être sensible au non verbal – jambes croisées, visage fermé, réponses courtes, signes d’impatience... –, il m’est arrivé que la patiente soit si pressée de finir l’examen qu’elle commence directement à se dés- habiller et s’installer sur la table d’examen, sans même prendre le temps de s’asseoir et d’échanger quelques mots ! Proposer un drap pour couvrir le bas du corps, ne pas demander à la patiente de se dévêtir complètement (les seins peuvent être examinés dans un second temps, une fois que la patiente a remis le bas), adopter un vocabulaire médical compréhensible et neutre, montrer qu’on n’est pas pressé, tout cela permet dans la grande majorité des cas d’apaiser les patientes.

Néanmoins, ces mesures de bon sens peuvent parfois s’avérer insuffisantes. Lorsqu’une patiente semble en difficulté par rapport à l’examen, je m’assure tout d’abord de son consentement ; il peut quelques fois être préférable, hors des cadres d’urgences, de remettre l’examen gynécologique à plus tard. Il est important que la patiente se sente écoutée et en sécurité, avant de mettre en place une forme d’hypnose à mi-chemin entre l’hypnose conversationnelle et formelle. Si la relation thérapeutique est bonne, la personne verra les propositions hypnotiques comme un accompagnement, et non comme une tentative de manipulation.

J’ai eu l’occasion d’essayer plusieurs stratégies hypnotiques avec diverses patientes : lieu agréable, recadrage des sensations... J’ai choisi de présenter ici trois situations où je me suis appuyée sur des métaphores hypnotiques qui m’ont semblé intéressantes.

HERMINE ET LA MÉTAPHORE DE LA PORTE QUI S’OUVRE

Hermine est une patiente de 44 ans très anxieuse qui a des rapports compliqués avec le corps médical, notamment après des saignements gynécologiques importants pour lesquels aucun diagnostic n’a pu être posé. Elle est arrivée il y a quelques années de La Réunion pour suivre son nouveau conjoint, dont elle est depuis séparée. Elle est très isolée en métropole, en arrêt et recluse chez elle suite à une dépression.

Je comprends que l’examen gynécologique est difficile pour cette femme seulement une fois qu’elle est installée sur la table d’examen, quand je vois les muscles de son périnée se serrer. Elle m’avait pourtant assurée qu’elle avait eu de nombreux examens qui s’étaient « bien » déroulés. Elle est néanmoins très demandeuse d’être examinée car elle a un fort besoin de réassurance. Je lui propose explicitement d’avoir recours à l’hypnose, ce qu’elle accepte. Je pose le spéculum pour bien lui montrer que je prends un temps dédié pour la rassurer, que l’examen ne commencera que quand elle se sentira prête.

Je propose alors une induction hypnotique en lien avec la position sur la table d’examen et une métaphore autour de la poignée de porte chez cette patiente qui se sent peut-être enfermée chez elle comme dans son corps, un corps qu’elle ferme pendant l’examen médical pour se protéger. « Le dos peut sentir le dossier sous lui... pendant que la tête se repose, confortablement, sur le matelas... et que la respiration s’apaise... Très bien... et... pendant que le corps est ici... peut-être que l’esprit peut être chez vous... dans cet endroit familier... rassurant... et peut-être que vous êtes face à la porte de chez vous... Je ne sais pas quelle est la couleur... quel est l’aspect de cette porte... et peut-être que la main peut se poser sur la poignée de cette porte... sentir sa forme... la matière dont elle est faite... et tandis que les doigts... posés sur cette poignée... peuvent sentir sa texture... et quand vous le souhaitez... la main peut actionner cette poignée... au bon moment... pour ouvrir cette porte... Peut-être est-ce une poignée ronde... ou plate... et les doigts peuvent sentir si elle est plutôt chaude... ou froide... et quand vous le souhaitez... la main peut actionner cette poignée... pour l’ouvrir... » Après cette première phase, je vois les muscles du périnée se décontracter. « Et pendant que cette main est sur la poignée... et que votre dos est sur ce matelas... avec cette respiration tout à fait apaisée... est-ce que vous m’autorisez à poser le spéculum ? » Hermine me répond positivement. Je reprends alors l’induction hypnotique tout en posant le spéculum : « Pendant que la respiration s’apaise... que le dos trouve la position qui est la plus confortable pour lui... la main, chez vous... je ne sais pas si c’est la main droite... ou peut-être la main gauche... a peut-être déjà actionné la poignée... et la porte peut s’ouvrir... le corps sait comment ouvrir... tout en étant confortable... tranquille... la main peut ouvrir la porte... quand elle le souhaite... tranquillement... Très bien... la porte s’ouvre à son rythme... peut-être y a-t-il un son particulier qu’elle fait en s’ouvrant... que les oreilles peuvent entendre... et qui est un son tout à fait normal et naturel pour cette porte... Cette porte qui s’ouvre alors que la respiration est si calme ici et maintenant... »

Avant de faire l’échographie par voie vaginale, je demande à la patiente la forme de la poignée de chez elle. Elle me répond qu’elle est plate. La patiente me donne son accord pour l’échographie par voie vaginale et j’insère la sonde tout en continuant : « Très bien... une poignée plate... Alors pendant que le dos est sur le matelas... confortable... la nuque qui se repose... la respiration qui s’apaise... les doigts peuvent revenir sur la poignée de la porte de chez vous... je ne sais pas quand est-ce que vous déciderez de l’ouvrir... pour pouvoir accueillir quelqu’un... ou peut-être est-ce vous qui avez envie de sortir... d’aller voir à l’extérieur... tout en vous sentant en sécurité... Quand ils le veulent les doigts peuvent actionner cette poignée plate... dont ils sentent la sensation sous eux... je ne sais pas quel doigt initiera le mouvement... ou bien peut-être est-ce un mouvement du poignet... pour que la porte s’ouvre... d’où partira le mouvement du bras qui poussera ou tirera cette porte... pour l’ouvrir... et vous permettre d’aller vers le monde du dehors... sans crainte... confortablement... Très bien... »

L’examen est fini, je retire la sonde et réassocie la patiente en parlant à nouveau des sensations de la table d’examen sous son dos, de sa respiration, etc.

Dans cette situation où la patiente se sent vulnérable par rapport au praticien, il me semble important d’introduire des choix dans le discours hypnotique (sortir dehors, accueillir quelqu’un...), de remettre la patiente au centre des décisions la concernant. Bien entendu, a posteriori je me suis rendu compte que mon choix (inconscient !) de la métaphore de la porte qui s’ouvre, pour une patiente qui est seule et n’arrive pas à sortir pour aller à la rencontre du monde, allait pour la patiente bien au-delà du problème gynécologique. Hermine semblait très apaisée en fin de consultation et m’a dit que « le fait que je parle comme cela doucement » l’avait beaucoup aidée.

PAULINE ET LA MÉTAPHORE DE LA FLEUR QUI S’OUVRE

Beaucoup de patientes présentant des difficultés psychologiques ont des antécédents de violences sexuelles qui peuvent être explicités ou non lors de la consultation. Il faut donc avoir une attention toute particulière pour ces personnes, demander et redemander sans cesse le consentement. Ainsi, Pauline, 30 ans, est hospitalisée en psychiatrie pour une tentative de suicide dans un contexte de syndrome anxiodépressif et de fibromyalgie. Je ne lui pose pas la question de violences sexuelles afin de ne pas raviver de souvenirs traumatiques. Quand je lui demande si habituellement les examens gynécologiques se passent bien pour elle, elle m’explique que le premier a été réalisé quand elle n’avait que 13 ans, par un homme, et a été vécu comme traumatisant. Les examens suivants ont également été difficiles pour elle.

Pauline présente elle aussi une contraction périnéale. Je propose alors, après une induction standard, la métaphore de la fleur qui s’ouvre, tel le vagin qui peut s’ouvrir : « Pendant que les yeux sont fermés... peut-être qu’ils peuvent voir... ailleurs... loin d’ici... une belle fleur... qui est encore en bouton... et ce bouton de fleur... prêt à s’ouvrir... cette fleur qui s’ouvre... je ne sais pas quel pétale va s’ouvrir en premier... dans quel ordre la fleur va pouvoir se déployer... très bien... est-ce que je peux commencer l’examen ? » Pauline acquiesce. « Les yeux peuvent voir cette fleur qui s’ouvre... peut-être que les premiers pétales peuvent apparaître doucement... à leur rythme... un par un... ou tous en même temps... jusqu’à être déployés pleinement... Je ne sais pas s’ils sont tous de la même couleur... ou alors de teintes différentes... si certains détails apparaissent... certaines teintes... au fur et à mesure de leur ouverture... progressive... Peut-être que les yeux auront envie de regarder un pétale en particulier se déployer... ou les pétales dans leur ensemble... pendant que la fleur s’ouvre... Très bien... »

Je propose une induction similaire pour la réalisation de l’échographie, en impliquant la patiente dans sa transe : « Les yeux vont pouvoir à nouveau voir cette fleur qui s’ouvre... de quelle couleur est-elle ? Rouge, d’accord... une belle fleur rouge... Pendant que la respiration s’apaise... que le corps se détend... les yeux peuvent voir à nouveau cette fleur qui s’ouvre... les pétales rouges... peut-être y a-t-il des rouges un peu différents sur chaque pétale... des reflets... peut-être que la fleur a une certaine odeur... une texture que les doigts peuvent sentir... pendant qu’elle s’ouvre... peu à peu... pétale après pétale... Très bien... et quand ils se sentiront prêt, les yeux peuvent s’ouvrir doucement... »

La couleur rouge renvoie-t-elle à une signification particulière, au corps peut-être chez cette patiente douloureuse chronique ? Difficile de répondre... Toujours est-il que Pauline quitte la consultation en me disant que cela s’est beaucoup mieux passé que précédemment.

ADELINE ET LA MÉTAPHORE D’UNE MAIN QUI S’OUVRE

Adeline, 21 ans, se présente elle...

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Dr JULIETTE HEINRICH: Médecin généraliste. En dernière année d’internat de médecine générale en Loire- Atlantique, elle a découvert l’hypnose au cours d’interventions à l’université, puis elle a choisi de faire le DU d’Hypnose et Communication thérapeutique de Nantes. Depuis, elle intègre des notions d’hypnose à sa pratique quotidienne en cabinet, notamment pour des gestes techniques inconfortables (suture, abcès, examen gynécologique...)..

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