Hypnose et Ostéopathie

Hypnose et infertilité. Métaphores pour donner la vie.

Hypnose et infertilité Dr Michel DUPUET
Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

Quand l’hypnose est utilisée dans des cas d’infertilité (physique ou psychologique), l’apport de métaphores est une ressource pour que la vie puisse revenir. Trois situations cliniques illustrent cette stratégie thérapeutique.

Dr Michel DUPUET

Médecin spécialiste en gynécologie obstétrique stérilité. Ancien chef de service des Hôpitaux de région. Actuellement en exercice libéral de la gynécologie. Hypnose depuis juin 2018.

L’importance du problème de l’infertilité est attestée par le fait quen France un couple sur sept a consulté un médecin en raison d’une difficulté à procréer. Quarante mille couples français entament chaque année une démarche pour trouble de la fertilité. Lorsque les investigations ne donnent aucun résultat on parle de stérilité inexpliquée (environ 10 % des stérilités) : soit la cause est encore inconnue, soit la cause est plus vraisemblablement d’origine psychologique.



 Mon intérêt pour les situations dinfertilité s’est imposé pour plusieurs raisons : c’est tout d’abord un sujet que je connais bien pour avoir collaboré pendant une quinzaine d’années avec le centre de PMA de Périgueux. Et ensuite, je poursuis actuellement la pratique de stimulations et d’IAC (Insémination artificielle avec sperme du conjoint) ; c’est une patientèle que je suis depuis un certain nombre de mois et avec laquelle s’est instaurée une relation de confiance qui va faciliter la pratique de l’hypnose.

 Les dossiers présentés dans cet article sont en rapport avec une cause physique identifiée : lhostilité de la glaire pour le passage de spermatozoïdes, linsuffisance en nombre et vitalité déficiente des spermatozoïdes, la préparation dun endomètre pour le transfert d’embryon frais ou congelé. Bien sûr, on ne peut minimiser l’impact psychologique d’une situation génératrice de déceptions, mais dans les deux premiers cas présentés, la cause mécanique est identifiée et source de solutions thérapeutiques. Lhypnose, les métaphores et la thérapie brève ont été privilégiées pour activer les ressources face à un problème connu.

 Dans le troisième cas, le suivi dinfertilité va mettre à jour une histoire traumatique familiale. Nous savons depuis longtemps que, même en l’absence de trauma, les deuils de parents, de proches, d’animaux, les rentrées scolaires, le passage de concours… sont à l’origine d’aménorrhées. Lorsque de tels phénomènes surgissent chez une femme en désir de grossesse on comprend mieux les difficultés à procréer quand s’ajoute un vécu traumatique.

MADAME V. : « LORSQUE LENFANT PARAÎT »

Madame V., 41 ans, professeure des écoles, est suivie pour une FIV (fécondation in vitro) par le centre de PMA du CHU de Bordeaux : compte tenu de l’oligoasthénospermie (déficit en nombre et vitalité des spermatozoïdes) sévère de son mari, une ICSI (Intra Cytoplasmique Sperme Injection) a été réalisée. Limplantation des embryons frais a échoué et il reste quatre embryons congelés. Je suis sollicité par le centre de PMA pour la surveillance de la croissance de l’endomètre avant le TEC (Transfert Embryon Congelé) et je propose à Mme V. une séance d’hypnose pour lui donner un maximum de chances. Dans un numéro de la revue « Hypnose & Thérapies brèves » jai lu un article d’une hypnothérapeute qui pour un cas d’infertilité utilisait la métaphore d’un jardinier doté d’un pouce ver t magique à la main droite ce pouce avait le pouvoir de rendre fertile le trou qu’il avait creusé et cette métaphore avait été couronnée de succès , je décide donc de l’utiliser pour ma patiente, malheureusement sans succès pour ce premier TEC.

Lors du mois suivant, je participe à un séminaire avec Yves Halfon. Je sais quYves travaillant en maternité connaît bien la gynécologie, je lui raconte donc mon échec qui ne semble pas létonner car pour lui l’erreur vient d’avoir fait intervenir un personnage tiers, au pouce vert – pour Yves, le jardinier doit venir de l’inconscient de la patiente. Je décide de reprendre le suivi en intégrant les observations d’Yves Halfon, d’autant qu’il ne reste plus à ma patiente que deux embryons, et approchant de 42 ans les FIV ne seront plus possibles en France.

 Peu de temps après je la revois pour un approfondissement de son environnement familial, social, culturel. Elle me confirme son goût pour le jardinage qu’elle tient de son grand-père. Cette fois ma stratégie prend forme et je peux démarrer ma séance dhypnose.

L’induction de la transe est facile : fixation du stylo tenu par la pointe entre pouce et index jusqu’à la chute de celui-ci (le stylo pour une enseignante m’avait paru de circonstance).

 Je l’invite à « découvrir un merveilleux potager, avec une allée médiane et des allées perpendiculaires qui découpent des parcelles rectangulaires ; chaque parcelle contenant son légume particulier, petits pois, haricots verts, tomates constituent un patchwork de couleurs : vert, rouge, jaune pour les fleurs de pomme de terre, patchwork d’odeurs, le goût d’une framboise ; de sons : les chants des oiseaux ; kinesthésique : la chaleur du soleil. Arrive dans l’allée principale un petit jardinier comme celui qu’on pouvait voir dans les anciens catalogues spécialisés : grosse moustache, chapeau de paille ou en toile, peu importe, le magnifique tablier bleu ou gris en deux parties séparées par une grosse ceinture nouée sur le ventre ; la partie supérieure étroite avec une poche contenant calepin, stylo, la partie inférieure large avec une grande poche kangourou qui contient sécateur, mètre ruban, plantoir, cordon, etc. Le jardinier entreprend de bécher une parcelle encore en friche, chaque coup de bêche soulève une motte de terre compacte et impropre à la pousse de la moindre graine ; par des coups de bêche successifs, il va briser la motte puis l’émietter pour en faire un terreau fertile ». A ce moment je perçois sur le visage de ma patiente un beau sourire, une petite humidité au coin des yeux, un petit « signaling » non sollicité, et jen conclus qu’elle vit un moment agréable et émouvant dans son hypnose que je prolonge volontiers un peu.

- Thérapeute : « Le temps est venu maintenant de faire intervenir le jardinier de l’inconscient en faisant un parallèle entre la motte de terre compacte et l’utérus qui est également une boule de fibres musculaires compacte, impropre à limplantation d’un embryon. Le rôle du jardinier va être douvrir cette boule, de rendre la muqueuse qui tapisse l’intérieur propre au transfert de l’embryon. » Je la ramène ici et maintenant tranquillement ; à son éveil elle me dit avoir passé un moment merveilleux avec son grand-père que sans le vouloir j’ai décrit tel qu’il était ce qui explique le sourire et les larmes. Si elle devait résumer son expérience en un mot ? Elle me dit « jardin » jardin va lui servir d’ancrage ; je lui demande donc de faire chez elle une petite séance dautohypnose en débutant par le mot jardin.

En ce qui me concerne, je poursuis la surveillance de l’endomètre jusqu’à la taille et l’aspect idoine. Madame V. devra le jour « J », lors de l’installation en position gynécologique, prononcer intérieurement le mot jardin pour se remettre dans le contexte de la séance dhypnose. Quinze jours plus tard, petit SMS : « HCG : 125 » positif.

MADAME D. ET L’ÉCHELLE À SAUMONS

Madame D., 28 ans, éducatrice spécialisée est mariée avec un professeur de tennis du même âge elle présente une infertilité de 18 mois suite à larrêt de sa pilule. Mme D. a une conception un peu désuète de la fertilité phénomène pour elle naturel, elle interprète toute intervention extérieure comme une intrusion dans son intimité. Et ses amies qui ont conjoint, enfants, famille et belle-famille, en manifestant leur impatience, ont amené Mme D. à consulter « à reculons ! ». Les choses ne vont pas s’améliorer quand après son bilan qui s’avère normal elle va comprendre que c’est son mari qui est le problème par le biais d’une oligo-asthéno-spermie (nombre et vitalité diminués). Elle avait eu beaucoup de mal à digérer linfertilité, mais la causalité masculine a été la goutte de trop en bousculant le paradigme du mâle tout puissant.

 Je lui propose dès lors une séance dhypnose pour aplanir toutes ces difficultés. Je vais utiliser une métaphore que nous a proposée Daniel Quin lors des Journées hypnotiques de Biarritz en 2021 :

 - Th. : « Les deux petites feuilles qui se détachent du sommet de larbre – la plus lourde se pose en premier – je fais le parallèle avec les mains : une lourde scotchée sur la cuisse, l’autre légère qui dérive vers un lieu au milieu de nulle part – dans ce lieu la patiente découvre la station orbitale MIR dans laquelle les spationautes à travers les hublots voient la Terre la planète bleue, bleue par les océans, avec le jaune des grands déserts africains, le vert de la forêt amazonienne, le blanc des neiges éternelles, et puis soudain la tempête de sable qui cache le soleil, le feu de forêt qui cache le soleil, l’ouragan qui provoque un tsunami – mais bientôt le calme revient et la nature retrouve son état normal. » Il en sera de même pour ma patiente qui va traverser victorieusement tous ces bouleversements. Il est maintenant possible de discuter de fertilité elle réalise parfaitement que la solution à son problème va consister en une insémination avec le sperme de son conjoint (IAC). Une telle évocation il y a quelques semaines aurait sans aucun doute provoqué le départ intempestif de mon cabinet. J’explique à ma patiente ce qu’est une IAC par le biais de la métaphore de la reproduction des saumons.

 - Th. : « Les saumons vivent dans l’Atlantique nord, et pour leur reproduction ils vont remonter les rivières sur des centaines voire un millier de kilomètres jusqu’à la source où ils vont trouver les frayères propres à leur reproduction ; depuis quelques années, en raison de la con - struction de barrages pour la production électrique ou des réserves deau pour l’irrigation, des échelles ont été mises en place dans les années 1980 pour la sauvegarde de l’espèce. Dans le cadre de la reproduction humaine, les spermatozoïdes vont remonter en période ovulatoire le canal cervical et sa glaire pour déboucher dans l’utérus, remonter dans les trompes (frayères) pour féconder lovule. »

 Dans leur cas, le test de Hühner (test fait après un rapport) montre une glaire préovulatoire parfaite, quelques spermatozoïdes tous morts. Dans cette situation on utilise l’insémination avec le sperme du conjoint préalablement concentré pour n’utiliser que les spermatozoïdes de bonne qualité l’insémination se fait avec un fin cathéter (échelle) qui va déposer le sperme directement dans l’utérus où il va finir son parcours. Nous convenons d’un prochain rendez-vous pour la séance dhypnose thérapeutique.

L’induction se fait par l’évocation d’un arc-en-ciel (Manuel d’hypnose pour les professions de santé. Les méthodes d’induction, Yves Halfon, Maloine).

 - Th. : « Maintenant la pluie fine cesse, le ciel redevient tout bleu… le soleil brille agréablement il fait agréablement chaud… sentez l’odeur de la terre mouillée… appréciez, et votre respiration reste calme et tranquille… »

« Nous avons tous fait l’expérience d’avoir dit “oui” ou “non” avec la tête sans le savoir ; et ces réponses se font le plus souvent sans notre participation. Je souhaite que votre corps utilise cette façon minimale de communiquer pour me dire si vous êtes bien... vous poursuivez votre marche sur ce petit chemin le long de la rivière, une belle rivière large, calme, reposante, avec parfois des petits tourbillons sur une souche d’arbre... appréciez la fraîcheur de leau sur votre main... mais bientôt un spectacle va attirer votre attention : des dizaines, des centaines de poissons remontent la rivière, créant en surface des tourbillons, des frissonnements de l’eau, les écailles brillent dans le soleil – ce sont des saumons qui ont débuté leur pérégrination vers le lieu de leur reproduction ; bientôt ils arrivent devant un barrage qui aurait dû être la fin du voyage si le génie de lhomme n’avait pas créé ces échelles à saumons pour permettre aux poissons de contourner l’obstacle, se retrouver dans l’étang de la retenue et remonter vers les frayères... » Au moment du retour ici et maintenant, je suggère à la patiente de prendre quelques minutes lorsqu’elle sera chez elle pour s’asseoir confortablement, prendre de bonnes respirations, fermer les yeux, utiliser le doigt léger pour retrouver la rivière et les saumons. …

Pour lire la suite, commandez la revue Hypnose et Thérapies Brèves

 Revue Hypnose Therapies Breves 70