Hypnose et Ostéopathie

La grossesse, le devenir parent: un passage initiatique

Hypnose et Grossesse
Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

Accompagnement d’une sage-femme dans les processus dépressifs autour de la parentalité

La grossesse, le devenir parent sont autant d’étapes fondamentales de la vie d’une femme, d’un couple. C’est une voie d’évolution possible, mais parfois sont mises en lumière à cette occasion des blessures enfouies, des guérisons inachevées. La grossesse est une crise psychique comme l’adolescence. La plasticité émotionnelle qui la caractérise amène une sensibilité accrue. Parfois, des manifestations psychosomatiques et/ou psychiques apparaissent. Au travers de quatre cas cliniques, plusieurs pistes de travail avec l’hypnose sont explorées.

Cas clinique 1

Eve, enceinte de son deuxième enfant, consulte à 29 SA car elle est envahie par des émotions négatives. Elle se sent serrée dans la tête et au niveau du plexus. Ça l’empêche d’être en lien avec son mari et son fils aîné, ainsi que de se projeter avec le bébé. Néanmoins, elle peut vivre une relation avec le bébé in utero (compétence fondamentale que je vais utiliser par la suite). Elle redoute les pleurs du bébé car elle s’est sentie très seule après son premier accouchement. Il pleurait beaucoup et, à sa naissance, elle ne


... avec une induction d’ouverture et fermeture des bras

voyait pas la ressemblance avec elle. Elle s’est sentie envahie par ses beaux-parents. A la question de la plus belle période de sa vie, elle répond « petite avec sa grand-mère maternelle (toujours en vie), les années lycée avec ses copains, le jour de son mariage, car elle a eu la sensation d’être elle-même, entourée de ceux qu’elle aime ».

En explorant le contexte, elle décrit une difficulté à trouver sa propre place de deuxième au sein d’une fratrie de trois enfants, avec des angoisses d’abandon. Son adolescence a été marquée par le décès de son grand-père paternel avec lequel elle avait une belle complicité, et puis le décès d’une tante proche. La relation à ses parents est peu ressourçante. A l’observation, Eve respire peu amplement, elle est hypertonique et se tient très droite, n’a pas ce léger relâchement des épaules des femmes qui se préparent à envelopper leur petit. Elle est figée en bas du corps. Elle est cependant axée mais insécure. Dans un premier temps, mon intention thérapeutique est d’augmenter son volume interne en proposant une séance avec l’air qui circule et prend sa juste place, l’air qui va bercer le bébé.

Cette première séance va lui permettre d’être plus ouverte, plus présente. Puis, dans un deuxième temps, je lui propose un exercice debout avec des bercements, ses mains reposant dans les miennes, mon intention étant de remettre de la stabilité et de la fluidité, deux ingrédients pour se sentir plus forte, plus sûre, en équilibre. Je lui propose de poursuivre l’exercice sans mes mains, suggérant ainsi l’autonomisation. Elle décrit par la suite un petit changement où elle profite plus de moments de jeux avec son fils aîné (c’était notre petit objectif). A l’approche de l’accouchement, je lui propose une séance sur la projection dans l’avenir, avec une induction par des mouvements d’ouverture et fermeture des bras. Le mouvement donne une sensation, une émotion. C’est un exercice que j’appelle « l’accueil en haut » et qui suggère la présence sensorielle du bébé (sa chaleur, ses mouvements, la texture de sa peau, son odeur, ses bruits de bébé...) dans ce creux de mère au niveau du coeur. Et c’est bien le bébé qui là vient nourrir énergétiquement, affectivement sa mère. Pour Eve, c’est doux et chaud. Je lui suggère que la maman dedans qui a déjà l’expérience de cette sensation vienne en aide à la Eve d’aujourd’hui, que cette sensation lui soit utile pour mieux accueillir ce deuxième enfant. Je fais aussi l’hypothèse qu’Eve est dans un processus d’incompétences avec une « petite abandonnée »1. Eve accouche prématurément, si bien je n’ai pas le temps de travailler sur cet aspect. Je ne l’ai pas revue dans le post-partum.


Cas clinique 2

Charlotte consulte à 23 SA pour anxio-dépression. C’est sa deuxième grossesse qu’elle ne découvre qu’au quatrième mois et qui n’était pas prévue. A noter qu’elle a eu un long parcours d’aide médicalement assistée pour la conception de son aîné, âgé de 14 mois, à l’annonce de la deuxième grossesse. Ses symptômes sont tension, serrage dans le thorax, tristesse, rumination mentale avec beaucoup d’ambivalence quant à cet enfant à naître. Elle n’arrive pas à se projeter avec lui. Avant cette grossesse surprise, elle était dans un état similaire depuis la mort in utero de son neveu (deuxième enfant de sa soeur cadette) à terme, qui a lieu trois mois avant qu’elle n’apprenne sa grossesse. Quand je la reçois, Charlotte est figée surtout dans le bas du corps, elle prend peu sa place dans l’espace, respire de façon saccadée. Elle est néanmoins axée, change de niveau

... un exercice de réassociation avec l’air...


émotionnel à l’évocation du décès de son neveu. Mon hypothèse quant à l’état de Charlotte est qu’elle est insécurisée, dissociée et envahie par des sensations, des émotions, des idées de mort. Le processus est un processus d’arrêt en lien avec le deuil. Mon premier travail avec elle est de créer la « sépulture intérieure »2. Puis je lui propose un exercice de réassociation avec l’air qui circule dedans. A 34 SA, l’échographie révèle un retard de croissance intra-utérin important. Une séance est consacrée à la circulation de coeur à coeur (une main sur le coeur maternel et une main sur le coeur foetal) et la circulation dans le cordon. L’exercice de « l’accueil en haut » est bénéfique car Charlotte décrit avec émotion qu’« elle s’est vue heureuse en salle de naissance avec son conjoint et le bébé ». Au cours de cette séance, mon intention est de faire plus de place à cet enfant dedans puis dehors (ce qui était notre objectif commun).

Je la revois à 38 SA, elle se sent prête, voit son ventre plus gros, un déclenchement est prévu car le retard de croissance le nécessite. Je l’invite à une anticipation du futur, après avoir travaillé en équipe (elle et son bébé) sur le processus d’ouverture du col. Le petit Nathan est né dans une bulle d’amour. Il a maintenant 4 mois, se porte bien, mais Charlotte se sent plus distante de lui que de son aîné. Parfois elle fait des gestes mécaniques, dit-elle, et se sent moins disponible pour ses besoins à lui et une grande culpabilité l’envahit. Un travail de recadrage est nécessaire pour normaliser. Cependant, l’aide d’une psychologue en périnatalité est proposée pour mettre plus de fluidité dans le lien mère-enfant. Les symptômes d’anxiété ont néanmoins disparu depuis la naissance de Nathan.

Cas clinique 3

Barbara, âgée de 35 ans, arrive pour sa deuxième grossesse, spontanée, après une attente longue nécessitant un bilan d’infertilité avec stimulation prévue mais non faite. Elle est déjà maman d’une fille de 5 ans, et a fait une dépression du post-partum nécessitant la prise d’antidépresseurs. Le pire, dit-elle, était la perte de son indépendance et de passer du couple à la famille. Elle vit avec son compagnon depuis deux ans quand sa fille naît. Le problème actuel est qu’elle s’énerve vite avec son aînée, qu’elle se sent

... la bercer jusque dans la tête...

sous pression et qu’elle a peur de revivre une dépression du post-partum. Elle décrit comme symptômes des tensions dans le visage qui l’empêchent de se sentir détendue et ça s’accentue le matin et le soir quand elle s’occupe de sa fille. En l’observant, Barbara prend peu de place dans le fauteuil, est figée, instable, hypotonique avec peu de mouvements. L’image qu’elle dégage est celle d’une petite fille perdue, « abandonnée ». Je fais l’hypothèse d’une dissociation en âge, vers 7-8 ans. Elle est la deuxième d’une fratrie de trois enfants, seule fille. Son père est agriculteur et sa mère ouvrière, peu disponibles. Mon intention thérapeutique concernant son état est de remettre du mouvement. Je lui propose une marche sur place qui a pour effet de la bercer jusque dans la tête. Puis je souhaite redonner de la sécurité à l’enfant intérieur avec un lieu sûr et un ancrage corporel. Une séance pour redonner du volume intérieur avec des bulles d’air colorées remet de la circulation et le bon volume pour améliorer la surcharge émotionnelle. Je ne revois Barbara ensuite qu’à un mois postnatal. Elle vient pour angoisse dans la tête, apparue quinze jours après l’accouchement. Ça l’empêche d’être détendue et elle craint les pleurs de son bébé. C’est mieux quand elle peut faire des choses pour elle. Je lui propose alors de renouveler à la maison la marche avec bébé en écharpe, car de nouveau un bercement agréable apparaît. Puis je travaille avec « les poupées russes ».

Celle qui va bien, c’est la Barbara de 25 ans qui a des copains, qui a su quitter ses parents et développe des compétences relationnelles et affectives (démarrage d’un couple, autre que le couple actuel). Cette Barbara-là donne la sensation de « faire grandir dans la tête ». Celle qui va mal, c’est celle de 15 ans arrêtée et timide, qui n’a pas de compétences relationnelles, se sent coincée à la maison. La sensation associée est un « poids énorme qui met la tête vers l’avant ». Le travail consiste à ce que celle de 25 ans aide celle de 15 ans à se sentir peut-être plus légère et à grandir. Barbara a continué son chemin de maman plus détendue et j’ai eu la surprise de la retrouver pour sa troisième grossesse démarrée volontairement aux sept mois de sa deuxième fille. Sa grossesse est en cours et son état émotionnel est satisfaisant malgré une sensation de se sentir serrée en haut le matin et le soir quand il faut vite préparer les filles pour l’école et la nourrice. Une travailleuse d’intervention sociale et familiale est décidée pour le matin pour faciliter ces moments et donner plus de temps à Barbara.

Cas clinique 4

Eglantine, 32 ans (en paraît 16), deuxième geste, arrive à 32 SA avec des difficultés respiratoires, un corps lourd et une inappétence. Elle décrit des réveils nocturnes avec de la tension dans le cerveau depuis qu’elle a fait une préparation à l’accouchement où la sage-femme a abordé l’expulsion. Elle décrit alors un vécu traumatique de la reprise de cicatrice d’épisiotomie par son gynécologue d’alors, où « elle a cru mourir » sans aucune empathie de ce dernier. Cet événement a impacté sa vie affective et génitale avec son conjoint et relationnelle avec sa fille. Depuis lors, elle a perdu confiance en son corps. Quand je l’observe, je vois « une petite poupée toute fragile et toute molle », seuls ses bras bougent, le reste est figé. Tonus et rythme sont très ralentis. Je fais l’hypothèse d’un processus d’arrêt par traumatisme. Au vu de son état, je suspecte même un traumatisme plus ancien. Cependant, n’ayant que peu de temps avant son accouchement, après l’instauration d’une bonne alliance, nous travaillons sur le traumatisme de la reprise de cicatrice. Je lui demande quelle était l’intention de son gynécologue, afin qu’il redevienne « humain » et qu’elle quitte l’état d’objet qu’elle a vécu à ce moment-là, pour retrouver son identité. Elle pense que l’intention du médecin était de faire vite. En séance d’hypnose, elle recontacte la sidération puis la colère que je l’invite à remercier et à utiliser pour changer le scénario du film qu’elle est en train de regarder. Je revois Eglantine à quinze jours

Ce passage marque le changement de statut...

de la naissance de Cassandre. Son vécu d’accouchement est « violent » mais elle est fière d’elle car elle a mené son projet de naissance jusqu’au bout, sans péridurale. A cette consultation, elle décrit de l’angoisse avec insomnie, rumination mentale, perte d’appétit, du goût et de l’odorat. Sa voix est faible et elle sent du « vide dans le ventre », « une pierre dans le coeur ». Ça s’améliore quand elle donne le sein et c’est pire après une visite parentale. En explorant son génogramme, Eglantine a des relations compliquées avec sa mère, sa grand-mère. Elle est la dernière d’une fratrie de trois, sa soeur aînée s’est éloignée de la famille, est sans enfant, ni conjoint, et son frère schizophrène s’est suicidé pendant la période adolescente d’Eglantine. Je lui propose un travail de nettoyage avec le jardin intérieur (elle aime jardiner) où une partie d’elle dégage les ronces, « sépare le bon grain de l’ivraie ». Un travail transgénérationnel permet d’identifier des histoires périnatales d’un garçon décédé à la naissance et d’une fille illégitime (chez sa grandmère maternelle). Le travail de l’arbre de vie lui permet de voir sa vie future de façon positive. Elle se fait aussi accompagner d’une psychologue en périnatalité qui l’aide sur son chemin.

Revue Hypnose Therapies Breves 14

Pour lire la suite de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves https://www.hypnose-therapie-breve.org/shop/Hors-Serie-n-14-de-la-Revue-Hypnose-Therapies-Breves-Soigner-la-depression_p133.html

 

HÉLÈNE SAULNIER Sage-femme, ayant exercé vingt-deux ans en maternité, et en pratique libérale depuis onze ans. Formée à la médecine traditionnelle chinoise, en psychophonie et en hypnose, elle mélange tous ces outils et stratégies thérapeutiques pour accompagner au mieux les cycles de vie des femmes et favoriser l’accueil du nouveau-né. Enseignante au diplôme interuniversitaire d’acupuncture obstétricale à la Faculté de Nantes et formatrice, responsable pédagogique de la formation « Hypnose, Autohypnose et Maternité » à l’Institut Emergences.