Hypnose et Ostéopathie
La fertilité est loin d’être «un long fleuve tranquille».
Après un premier article « Hypnose et infertilité » paru dans le n° 70 de la Revue, l’auteur nous propose ici un deuxième volet sur les infertilités dites « psychologiques » illustré par quatre nouveaux cas cliniques.
Les patientes dont les bilans de fertilité sont rigoureusement normaux entrent dans le cadre des infertilités inexpliquées, dites « psychologiques ». Le blocage affectif vécu par ces femmes peut être en lien avec la survenue de règles non désirées avec leurs angoisses d’anticipation, ou/et en lien avec des angoisses traumatiques (IVG, fausse-couche, famille maltraitante et abandonnique).
Dr Michel DUPUET pour la revue hypnose et thérapies brèves.
Le neuroscientifique Joseph LeDoux (1) nous rappelle que les situations dangereuses et menaçantes continuent à agir à un niveau inconscient. Lorsqu’un événement provoque une incapacité du sujet à répondre adéquatement aux effets pathogènes, il se développe alors un stress négatif. Ces informations sont transmises à l’amygdale qui mobilise l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien pour nous préparer à réagir. Or l’axe hypothalamohypophysaire a un rôle capital dans le fonctionnement ovarien, donc dans la fonction de reproduction. Devant ces troubles nous devons envisager la possibilité d’une émotion primaire liée à un événement du passé qui entretient le comportement actuel (Dominique Megglé) (2). L’hypnose thérapeutique, en connectant le sujet à ses ressources, permet à celui-ci de se réassocier et de retrouver un corps vivant.
Madame A., 35 ans, aide-soignante, consulte en janvier 2016 après deux ans d’infertilité. Elle n’a aucun antécédent particulier et le bilan pratiqué chez elle et son conjoint ne montre aucune anomalie. Néanmoins, compte tenu de son âge, je décide de stimuler l’ovulation avec des gonadotrophines puis de mettre en place des inséminations avec le sperme du conjoint. Le protocole se déroule de façon satisfaisante mais les résultats en termes de grossesse ne sont pas au rendez-vous.
Pour des raisons d’âge (Mme A. a maintenant 37 ans), je l’adresse à un centre de PMA à Bordeaux pour des fécondations in vitro. Parallèlement je lui propose une séance d’hypnose. Lors de notre discussion une situation très particulière va apparaître : sa belle-sœur, qui la déteste, répète à l’envi qu’elle est stérile et que son frère n’aura jamais de descendance, ce qui dans une famille musulmane est plus qu’un problème, propos également validés par une amie de sa belle-sœur. Mme A. me demande : « Cette situation pourraitelle avoir un lien avec mon incapacité à mettre en route une grossesse ? » Je réponds positivement et immédiatement me vient la métaphore de Cendrillon. Je conclus ce premier entretien par une courte séance d’hypnose qui doit permettre de tester la réceptivité de Mme A. et surtout de la rassurer en démystifiant l’hypnose.
Pour les patientes qui n’ont jamais eu d’hypnose et qui émettent quelques doutes sur leur réceptivité, j’utilise les tests de suggestibilité hypnotique inspirés de « l’échelle de Paris » : le rapprochement des mains par un aimant, la légèreté d’une main grâce à un ballon gonflé à l’hélium, et la lourdeur de l’autre main provoquée par les livres qui y sont déposés. La découverte du changement de position des membres sans volonté manifeste de leur part est toujours une grande surprise. Pour l’induction j’utilise la fixation de l’attention : point lumineux, stylo, arc-en-ciel, évocation d’un souvenir agréable, catalepsie suivie de lévitation.
Lors de la séance suivante, je lui raconte l’histoire de Cendrillon qu’elle connaît déjà un peu par le film de Walt Disney ; elle aura bien sûr le rôle de Cendrillon, son mari celui du Prince, la belle-sœur et son amie les marâtres. Une telle situation peut bénéficier d’un VAKOG extrêmement riche et varié. Sur le perron du château, le Prince accueille chaque invité et lorsque Cendrillon se présente, malgré sa tenue d’une grande simplicité, il est immédiatement séduit par la beauté de la jeune fille, à tel point qu’il ouvre le bal en sa compagnie. Il continue à danser avec elle, au grand dam de la belle-sœur et de son amie. Il finit par être agacé de ce manège et demande à ses gardes de saisir les jeunes femmes, de les enfermer dans une cage et de suspendre cette cage au donjon le plus haut. Ce qui est fait. A ce moment surgissent trois aigles magnifiques qui se saisissent de la cage et l’emmènent dans les airs. Le Prince et Cendrillon regardent s’éloigner la cage qui devient de plus en plus petite pour finir par disparaître.
La suggestion post-hypnotique peut laisser imaginer qu’une aussi belle histoire va se conclure par un mariage puis par une naissance. Nous sommes en juillet 2018, et en septembre j’ai prévu un week-end à Biarritz chez mes filles. Je reçois alors un SMS de Mme A. ainsi formulé : « Bonjour Docteur, j’ai un rendez-vous à Bordeaux avec le centre de PMA ; on m’a demandé de faire un bilan hormonal le deuxième jour de mon cycle, or j’ai un retard de quatre jours. Que faire ? » Réponse : « Un test de grossesse. » Dans l’après-midi, nouveau SMS : « HCG 725 », une grossesse est en route ! Depuis, elle a accouché d’une magnifique petite fille.
Madame V., 34 ans, coiffeuse, son suivi m’a particulièrement intéressé car j’ai pu y observer des blocages objectifs hormonaux et échographiques sans qu’une cause puisse être avancée hormis « psychologique ». Je la rencontre pour la première fois en juin 2018, elle a 34 ans et sa demande est on ne peut plus directe. Sortant d’une aventure sentimentale désastreuse, conclue par une rupture houleuse, Mme V., qui ne présente aucune anomalie de fertilité, souhaite avoir un enfant mais pense qu’elle ne parviendra pas à trouver un géniteur avec qui elle puisse construire une relation. Elle décide de prendre rendez-vous dans une clinique à Barcelone pour une insémination avec donneur. J’ai en charge la surveillance échographique, mais rapidement je constate la stagnation de la croissance du follicule avec un plafonnement du dosage hormonal ; une situation identique se produit avec un dosage supérieur de la stimulation sans que nous ayons d’explication à ce phénomène.
Mme V. revient me voir ravie : elle vient de rencontrer l’homme de sa vie et le problème du géniteur ne se pose plus. Nous sommes en 2020, Mme V. a 36 ans, et je décide de lui donner un petit coup de pouce en utilisant du citrate de clomifène, qui est un inducteur de l’ovulation agissant comme un leurre sur l’axe hypothalamo-hypophysaire. Et là surprise, le contrôle échographique donne un follicule de 20 mm ; l’ovulation est déclenchée le soir même. Quatorze jours plus tard, le test de grossesse est positif. Malheureusement la joie va être de courte durée, car après une semaine de grossesse, Mme V. fait une fausse-couche spontanée. La déception est grande mais tempérée par un élément positif : cette fois l’ovulation a bien fonctionné. Un deuxième traitement est programmé avec les mêmes résultats : ovulation, grossesse, et de nouveau fausse-couche précoce.
Je décide donc de passer la main à une consœur spécialiste en PMA. Je lui raconte les « avatars » des premières stimulations auxquelles elle trouve des réponses et propose une stimulation avec un protocole différent. Je suis sollicité pour la surveillance échographique ; de nouveau la croissance folliculaire « plafonne » à 14 mm. Complétement obnubilé par ce blocage de la stimulation, j’ai tardé à lui proposer une séance d’hypnose pour sortir de cette situation. Notre entretien va porter essentiellement sur sa vie auprès du premier partenaire étiqueté « pervers narcissique », avec comme point d’orgue une IVG pour une grossesse qu’il ne voulait pas.
Je lui propose une randonnée sur un merveilleux petit sentier de montagne. Elle porte sur le dos un petit sac comme le font beaucoup de randonneurs maintenant. Dans ce sac, les choses désagréables : humiliations, critiques, dévalorisations, le compte rendu opératoire d’une IVG. Le VAKOG est utilisé abondamment : ciel bleu, nuages, neige sur les sommets, ombres des arbres sur les rochers, bruissement des feuillages, ruissellement d’une source, sensation de chaleur du soleil, fraîcheur de l’eau... Le sentier monte de plus en plus, le sac devient de plus en plus lourd, mais la patiente arrive bientôt dans une jolie clairière pleine de fleurs où se trouve une montgolfière (D. Corydon Hammond) (3). Elle perçoit le bruit de la combustion du gaz destinée à chauffer l’air. Dans la nacelle, il y a un coffre en osier fermé par un cadenas, ce coffre est vide. Elle pose alors le sac sur le sol et commence à sortir tous les éléments indésirables sans oublier le compte rendu opératoire. Puis elle prend tous ces éléments un par un et les dépose dans le coffre qu’elle ferme. A un moment donné, elle voit apparaître une ombre, que l’on peut imaginer masculine, et correspondre au précédent ami. L’ombre monte dans la nacelle et l’invite à monter également. Celle-ci prend la corde d’attache de la nacelle, défait le nœud et laisse partir le ballon. Elle s’allonge sur le pré, dans les fleurs, avec la chaleur douce du soleil, la fraîcheur du vent, l’odeur des fleurs. Le ballon monte progressivement, devient de plus en plus petit, réduit à un point minuscule, avant de disparaître définitivement. Elle se redresse enveloppée d’un grand sentiment de liberté, le retour par le sentier qui maintenant descend est plein de légèreté, d’enthousiasme et de projets. Reprise de la stimulation, je découvre agréablement un follicule de 20 mm : déclenchement et test de grossesse positif.
Madame L. 29 ans, esthéticienne, me consulte pour la première fois en décembre 2021 pour une infertilité apparue …
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Dr MICHEL DUPUET
Médecin spécialiste en gynécologie obstétrique stérilité. Ancien chef de service des Hôpitaux de région. Actuellement en exercice libéral de la gynécologie. Hypnose depuis juin 2018.
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- Valérie TOUATI
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